Affection Artificielle

La frontière floue entre humain et non-humain

Il y a des relations dont il est difficile de comprendre le sens. Et une de celles que la société ne semble pas concevoir est le lien émotionnel qui relie un homme ou une femme à un non-humain. Néanmoins, cela ne veut pas dire que ce n’est pas normal car c’est un phénomène courant quand on est enfant.

Créer un lien fort avec un non-humain n’est pas impossible. C’est même commun pour beaucoup d’enfants, qui ont un jour, donné de l’importance à une peluche, un personnage de dessin animé, ou un jouet... Et parfois ce lien émotionnel qui est assez flou entre monde imaginaire et réalité se prolonge et prend une forme différente quand l’enfant devient grand. Cette relation qui peut lier un homme ou une femme à un objet ou à un personnage fictionnel peut expliquer un manque, une solitude selon les intervenants, ou alors ce n’est qu’un besoin pour ces personnes afin de remplacer quelque-chose dont ils n’ont peut-être pas conscience.

L’explication d’un psychologue

Ce lien émotionnel qui peut exister entre un humain et un non-humain peut être difficile à comprendre. Après tout, quand on regarde la société actuelle, cela n’a pas l’air d’être courant. Laurent Belhomme, psychologue et responsable de PsyCampus, à l’ULB, explique ce phénomène en partant d’un objet universel : le doudou.

« C’est avec le doudou que tout commence. Nous voilà tous en train de nouer une relation avec un objet hyper important et auquel on prête plus ou moins une person- nalité. Cet objet, en plus, ce n’est pas toujours très clair, si il fait partie de nous ou du monde extérieur. Quand on est enfant, on apprend à faire la différence entre les deux. « Faire la part des choses entre ce qui est du monde ex- térieur et ce qui vient de l’intérieur, ce n’est pas donné d’emblée. Et on aura toujours des petites nuances sur lesquelles on ne sera jamais d’accord », énonce Laurent Belhomme.

Se forger notre opinion sur ce qui appartient au monde extérieur et au monde intérieur peut donc passer, dans un premier temps, par un objet comme un doudou. M. Belhomme continue : « Il y a quelque chose qui nous appartient dans le doudou qui est clairement projeté des- sus, de la même manière que vous allez développer des choses sur des objets technologiques ou des réalisations artistiques, un robot-compagnon, par exemple. Une part de ce que vous éprouvez pour lui est une projection qui relève de la manière dont vous choisissez de le percevoir. »

Cependant, il est tout à fait possible d’avoir un lien avec un non-humain en ayant un bon entourage : « On peut être bien entouré et avoir cette relation à un objet. Parce que peut-être que ce qu’il nous manque ce n’est pas des personnes mais des lieux qui font vivre ces parts-là de nous », développe Laurent Belhomme.

Plusieurs hypothèses sont à soulever pour un attache- ment émotionnel à un objet ou à un personnage fictionnel. Tout d’abord, l’objet peut être habité de l’histoire de la personne et c’est pour cela qu’un lien la relie à ce non-humain, comme un souvenir de notre passé auquel on s’est attaché, un objet qu’un parent nous au- rait donné.

Il y a une autre possibilité : « On pourrait aussi avoir des amputations psychiques, des bouts de nous qui sont coupés, comme des trous à l’intérieur de notre psychisme. En effet, le psychisme a besoin de différents « organes » pour fonctionner, et comme le corps il ne les a pas forcément tous. Donc, si vous avez un trou à un endroit, ce qu’on a tous en réalité, vous pouvez aussi vouloir mettre une pro- thèse comme on mettrait à une personne qui a perdu un membre. Parfois vous avez un mécanisme comme ça, qui vient de l’extérieur, qui est investi comme prothèse psy- chique, ça peut être une personne mais ça pourrait aussi être un robot, un jouet, un personnage animé, etc. », déclare le psychologue.

« Mais je crois que la plupart du temps on est dans une optique, avec des personnes pour lesquelles ça touche à leur passé, consciemment ou non, et d’investir ces espaces, c’est une manière aussi de se connecter aux autres et de trouver des personnes qui s’identifient aussi à leur histoire. »

Article : Mathilde Simoën (ULB)

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